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L’ASSOMMOIR.

tronnelle, un pot dont la terre avait sali sa robe de mérinos violet. Tout ce monde s’embrassait, s’entassait dans la chambre, au milieu des trois fourneaux et de la coquille, d’où montait une chaleur d’asphyxie. Les bruits de friture des poêlons couvraient les voix. Une robe qui accrocha la rôtissoire, causa une émotion. Ça sentait l’oie si fort, que les nez s’agrandissaient. Et Gervaise était très aimable, remerciait chacun de son bouquet, sans cesser pour cela de préparer la liaison de la blanquette, au fond d’une assiette creuse. Elle avait posé les pots dans la boutique, au bout de la table, sans leur enlever leur haute collerette de papier blanc. Un parfum doux de fleurs se mêlait à l’odeur de la cuisine.

— Voulez-vous qu’on vous aide ? dit Virginie. Quand je pense que vous travaillez depuis trois jours à toute cette nourriture, et qu’on va râfler ça en un rien de temps !

— Dame ! répondit Gervaise, ça ne se ferait pas tout seul… Non, ne vous salissez pas les mains. Vous voyez, tout est prêt. Il n’y a plus que le potage…

Alors, on se mit à l’aise. Les dames posèrent sur le lit leurs châles et leurs bonnets, puis relevèrent leurs jupes avec des épingles, pour ne pas les salir. Boche, qui avait renvoyé sa femme garder la loge jusqu’à l’heure du dîner, poussait déjà Clémence dans le coin de la mécanique, en lui demandant si elle était chatouilleuse ; et Clémence haletait, se tordait, pelotonnée et les seins crevant son corsage, car l’idée seule de chatouilles lui faisait courir un frisson partout. Les autres dames, afin de ne pas gêner les cuisinières, venaient également de passer dans la boutique, où elles se tenaient contre les murs, en face de la table ; mais, comme la conversation continuait par la porte