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LES ROUGON-MACQUART.

près de ses amis. Il voulait une chambre meublée dans une maison propre. Madame Boche, Gervaise elle-même, se mirent en quatre pour lui trouver ça. On fouilla les rues voisines. Mais il était trop difficile, il désirait une grande cour, il demandait un rez-de-chaussée, enfin toutes les commodités imaginables. Et maintenant, chaque soir, chez les Coupeau, il semblait mesurer la hauteur des plafonds, étudier la distribution des pièces, convoiter un logement pareil. Oh ! il n’aurait pas demandé autre chose, il se serait volontiers creusé un trou dans ce coin tranquille et chaud. Puis, il terminait chaque fois son examen par cette phrase :

— Sapristi, vous êtes joliment bien, tout de même !

Un soir, comme il avait dîné là et qu’il lâchait sa phrase au dessert, Coupeau, qui s’était mis à le tutoyer, lui cria brusquement :

— Faut rester ici, ma vieille, si le cœur t’en dit… On s’arrangera…

Et il expliqua que la chambre au linge sale, nettoyée, ferait une jolie pièce. Étienne coucherait dans la boutique, sur un matelas jeté par terre, voilà tout.

— Non, non, dit Lantier, je ne puis pas accepter. Ça vous gênerait trop. Je sais que c’est de bon cœur, mais on aurait trop chaud les uns sur les autres… Puis, vous savez, chacun sa liberté. Il me faudrait traverser votre chambre, et ça ne serait pas toujours drôle.

— Ah ! l’animal ! reprit le zingueur étranglant de rire, tapant sur la table pour s’éclaircir la voix, il songe toujours aux bêtises !… Mais, bougre de serin, on est inventif ! Pas vrai ? il y a deux fenêtres, dans la pièce. Eh bien ! on en colle une par terre, on en fait une porte. Alors, comprends-tu, tu entres par la cour,