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L’ASSOMMOIR.

ment. Les jours de dispute, elle traitait très bien sa mère de chameau et de vache.

— Et du pain ! gueulait le zingueur. Je veux ma soupe, tas de rosses !… En voilà des femelles avec leurs chiffons ! Je m’assois sur les affûtiaux, vous savez, si je n’ai pas ma soupe !

— Quel lavement, quand il est paf ! murmura Gervaise impatientée.

Et, se tournant vers lui :

— Elle chauffe, tu nous embêtes.

Nana faisait la modeste, parce qu’elle trouvait ça gentil, ce jour-là. Elle continuait à regarder les cadeaux sur la commode, en affectant de baisser les yeux et de ne pas comprendre les vilains propos de son père. Mais le zingueur était joliment taquin, les soirs de ribote. Il lui parlait dans le cou.

— Je t’en ficherai, des robes blanches ! Hein ? c’est encore pour te faire des nichons dans ton corsage avec des boules de papier, comme l’autre dimanche ?… Oui, oui, attends un peu ! Je te vois bien tortiller ton derrière. Ça te chatouille, les belles frusques. Ça te monte le coco… Veux-tu décaniller de là, bougre de chenillon ! Retire tes patoches, colle-moi ça dans un tiroir, ou je te débarbouille avec !

Nana, la tête basse, ne répondait toujours rien. Elle avait pris le petit bonnet de tulle, elle demandait à sa mère combien ça coûtait. Et, comme Coupeau allongeait la main pour arracher le bonnet, ce fut Gervaise qui le repoussa, en criant :

— Mais laisse-la donc, cette enfant ! elle est gentille, elle ne fait rien de mal.

Alors le zingueur lâcha tout son paquet.

— Ah ! les garces ! La mère et la fille, ça fait la paire. Et c’est du propre d’aller manger le bon Dieu