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L’ASSOMMOIR.

chiffonnière n’aurait pas ramassées ! Dieu de Dieu ! il pleuvait drôlement sur sa mercerie, à cette belle blonde, cette cato qui tortillait tant son derrière, autrefois, dans sa belle boutique bleue. Voilà où menaient l’amour de la fripe, les lichades et les gueuletons. Gervaise, qui se doutait de la façon dont ils l’arrangeaient, ôtait ses souliers, collait son oreille contre leur porte ; mais la couverture l’empêchait d’entendre. Elle les surprit seulement un jour en train de l’appeler « la grand’tétasse », parce que sans doute son devant de gilet était un peu fort, malgré la mauvaise nourriture qui lui vidait la peau. D’ailleurs, elle les avait quelque part ; elle continuait à leur parler, pour éviter les commentaires, n’attendant de ces salauds que des avanies, mais n’ayant même plus la force de leur répondre et de les lâcher là comme un paquet de sottises. Et puis, zut ! elle demandait son plaisir, rester en tas, tourner ses pouces, bouger quand il s’agissait de prendre du bon temps, pas davantage.

Un samedi, Coupeau lui avait promis de la mener au Cirque. Voir des dames galoper sur des chevaux et sauter dans des ronds de papier, voilà au moins qui valait la peine de se déranger. Coupeau justement venait de faire une quinzaine, il pouvait se fendre de quarante sous ; et même ils devaient manger tous les deux dehors, Nana ayant à veiller très tard ce soir-là chez son patron pour une commande pressée. Mais, à sept heures, pas de Coupeau ; à huit heures, toujours personne. Gervaise était furieuse. Son soûlard fricassait pour sûr la quinzaine avec les camarades, chez les marchands de vin du quartier. Elle avait lavé un bonnet, et s’escrimait, depuis le matin, sur les trous d’une vieille robe, voulant être présentable.