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LES ROUGON-MACQUART.

vant à dix pas d’un air de toutou obéissant. Des fois même, il entrait jusque dans la cour. Madame Gaudron le rencontra un soir sur le palier du second, qui filait le long de la rampe, le nez baissé, allumé et peureux. Et les Lorilleux menaçaient de déménager si leur chiffon de nièce amenait encore des hommes à son derrière, car ça devenait dégoûtant, l’escalier en était plein, on ne pouvait plus descendre sans en voir à toutes les marches, en train de renifler et d’attendre ; vrai, on aurait cru qu’il y avait une bête en folie, dans ce coin de la maison. Les Boche s’apitoyaient sur le sort de ce pauvre monsieur, un homme si respectable, qui se toquait d’une petite coureuse. Enfin ! c’était un commerçant, ils avaient vu sa fabrique de boutons boulevard de la Villette, il aurait pu faire un sort à une femme, s’il était tombé sur une fille honnête. Grâce aux détails donnés par les concierges, tous les gens du quartier, les Lorilleux eux-mêmes, montraient la plus grande considération pour le vieux, quand il passait sur les talons de Nana, la lèvre pendante dans sa face blême, avec son collier de barbe grise, correctement taillé.

Pendant le premier mois, Nana s’amusa joliment de son vieux. Il fallait le voir, toujours en petoche autour d’elle. Un vrai fouille-au-pot, qui tâtait sa jupe par derrière, dans la foule, sans avoir l’air de rien. Et ses jambes ! des cotrets de charbonnier, de vraies allumettes ! Plus de mousse sur le caillou, quatre cheveux frisant à plat dans le cou, si bien qu’elle était toujours tentée de lui demander l’adresse du merlan qui lui faisait la raie. Ah ! quel vieux birbe ! il était rien folichon !

Puis, à le retrouver sans cesse là, il ne lui parut plus si drôle. Elle avait une peur sourde de lui, elle