Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/149

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être aujourd’hui des imbéciles parfaits & de méchants hommes. J’ai oublié jusqu’à leurs noms.

Oh ! laissez-moi, laissez-moi me rappeler. Ma vie passée, en cette heure d’angoisse, m’arrive dans une sensation unique de pitié & de regret, de douleur & de joie. Je sens mes entrailles profondément remuées, lorsque je compare tout ce qui est à tout ce qui n’est plus. Tout ce qui n’est plus, c’est la Provence, la campagne largement ouverte, inondée de soleil, c’est vous, ce sont mes pleurs & mes rires d’autrefois ; tout ce qui n’est plus, ce sont mes espérances & mes rêves, mes innocences & mes fiertés. Hélas ! tout ce qui est, c’est Paris avec sa boue, ma chambre avec sa misère ; tout ce qui est, c’est Laurence, c’est l’infamie, ce sont mes tendresses pour cette femme.

Écoutez, c’était, je crois, en juin. Nous étions au bord de la rivière, dans l’herbe, la face tournée vers le ciel. Moi, je vous