Page:Zola - La Débâcle.djvu/140

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— D’où viennent-ils ? Qu’est-ce qu’ils veulent ?… Ah ! c’est vous, les francs-tireurs ! Encore des traîne-la-patte, hein !

— Mon général, expliqua Sambuc, sans se déconcerter, nous tenons avec les camarades les bois de Dieulet…

— Où ça, les bois de Dieulet ?

— Entre Stenay et Mouzon, mon général.

— Stenay, Mouzon, connais pas, moi ! Comment voulez-vous que je me retrouve, avec tous ces noms nouveaux ?

Gêné, le colonel de Vineuil intervint discrètement, pour lui rappeler que Stenay et Mouzon étaient sur la Meuse, et que, les Allemands ayant occupé la première de ces villes, on allait tenter, par le pont de la seconde, plus au nord, le passage du fleuve.

— Enfin, mon général, reprit Sambuc, nous sommes venus pour vous avertir que les bois de Dieulet, à cette heure, sont pleins de Prussiens… Hier, comme le 5e corps quittait Bois-les-Dames, il a eu un engagement, du côté de Nouart…

— Comment ! hier, on s’est battu ?

— Mais oui, mon général, le 5e corps s’est battu en se repliant, et il doit être, cette nuit, à Beaumont… Alors, pendant que des camarades sont allés le renseigner sur les mouvements de l’ennemi, nous autres, nous avons eu l’idée de venir vous dire la situation, pour que vous lui portiez secours, car il va avoir sûrement soixante mille hommes sur les bras, demain matin.

Le général Bourgain-Desfeuilles, à ce chiffre, haussa les épaules.

— Soixante mille hommes, fichtre ! pourquoi pas cent mille ?… Vous rêvez, mon garçon. La peur vous a fait voir double. Il ne peut y avoir si près de nous soixante mille hommes, nous le saurions.

Et il s’entêta. Vainement Sambuc appela à son aide les témoignages de Ducat et de Cabasse.