Page:Zola - La Débâcle.djvu/590

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milieu d’avril, la fusillade, la canonnade ne cessaient plus. À Levallois, à Neuilly, c’était un combat incessant, un feu de tirailleurs de toutes les minutes, le jour et la nuit. De grosses pièces, montées sur des wagons blindés, évoluaient le long du chemin de fer de ceinture, tiraient sur Asnières, par-dessus Levallois. Mais à Vanves, à Issy surtout, le bombardement faisait rage, toutes les vitres de Paris en tremblaient, comme aux journées les plus rudes du siège. Et, le 9 mai, lorsque, après une première alerte, le fort d’Issy tomba définitivement aux mains de l’armée de Versailles, ce fut pour la Commune la défaite certaine, un coup de panique qui la jeta aux pires résolutions.

Maurice approuva la création d’un Comité de salut public. Des pages d’histoire lui revenaient, l’heure n’avait-elle pas sonné des mesures énergiques, si l’on voulait sauver la patrie ? De toutes les violences, une seule lui avait serré le cœur d’une angoisse secrète, le renversement de la colonne Vendôme ; et il s’accusait de cela comme d’une faiblesse d’enfant, il entendait toujours son grand-père lui raconter Marengo, Austerlitz, Iéna, Eylau, Friedland, Wagram, la Moskowa, des récits épiques dont il frémissait encore. Mais que l’on rasât la maison de Thiers l’assassin, que l’on gardât les otages comme une garantie et une menace, est-ce que cela n’était pas de justes représailles, dans cette rage grandissante de Versailles contre Paris, qu’il bombardait, où les obus crevaient les toits, tuaient des femmes ? Le sombre besoin de destruction montait en lui, à mesure que la fin de son rêve approchait. Si l’idée justicière et vengeresse devait être écrasée dans le sang, que s’entr’ouvrît donc la terre, transformée au milieu d’un de ces bouleversements cosmiques, qui ont renouvelé la vie ! Que Paris s’effondrât, qu’il brûlât comme un immense bûcher d’holocauste, plutôt que d’être rendu à ses vices et à ses misères, à cette vieille société gâtée d’abominable injustice ! Et il