Page:Zola - La Débâcle.djvu/595

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Prussiens lui avaient si durement apprise. À l’Hôtel de Ville, le Comité de salut public et Delescluze, délégué à la guerre, organisaient, dirigeaient la défense. On racontait qu’ils avaient repoussé dédaigneusement une suprême tentative de conciliation. Cela enflammait les courages, le triomphe de Paris redevenait certain, de toutes parts la résistance allait être farouche, comme l’attaque devait être implacable, dans la haine grossie de mensonges et d’atrocités, qui brûlait au cœur des deux armées. Et, cette journée, Maurice la passa du côté du Champ de Mars et des Invalides, à se replier lentement, de rue en rue, en lâchant des coups de feu. Il n’avait pu retrouver son bataillon, il se battait avec des camarades inconnus, emmené par eux sur la rive gauche, sans même y avoir pris garde. Vers quatre heures, ils défendirent une barricade qui fermait la rue de l’Université, à sa sortie sur l’Esplanade ; et ils ne l’abandonnèrent qu’au crépuscule, lorsqu’ils surent que la division Bruat, filant le long du quai, s’était emparée du Corps législatif. Ils avaient failli être pris, ils gagnèrent la rue de Lille à grand’peine, grâce à un large détour par la rue Saint-Dominique et la rue de Bellechasse. Quand la nuit tomba, l’armée de Versailles occupait une ligne qui partait de la porte de Vanves, passait par le corps législatif, le palais de l’Élysée, l’église Saint-Augustin, la gare Saint-Lazare, et aboutissait à la porte d’Asnières.

Le lendemain, le 23, un mardi printanier de clair et chaud soleil, fut pour Maurice le jour terrible. Les quelques centaines de fédérés, dont il faisait partie et où il y avait des hommes de plusieurs bataillons, tenaient encore tout le quartier, du quai à la rue Saint-Dominique. Mais la plupart avaient bivouaqué rue de Lille, dans les jardins des grands hôtels qui se trouvaient là. Lui-même s’était endormi profondément, sur une pelouse, à côté du palais de la Légion d’honneur. Dès le matin, il croyait