Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/122

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soirs de septembre, manger des mûres. C’est un jardin en rase campagne. Au fond, il y a des groseilliers énormes ; un poirier, dans un coin, a grandi comme un chêne ; une courte allée de tilleuls, au milieu, fait un ombrage, sous lequel les vieux en été fument leur pipe. Le soleil brûle, des sauterelles s’effarent, des mouches d’or ronflent dans le frisson de la chaleur. Le silence est tout frémissant de vie, la sève de cette terre grasse coule avec le sang rouge des coquelicots.

On a posé le cercueil près du trou. Le gamin qui porte la croix, vient la planter aux pieds du mort, pendant que le prêtre, debout à la tête, continue de lire du latin dans son livre. Mais les assistants s’intéressent surtout au travail du fossoyeur. Ils entourent la fosse, suivent la pelle des yeux ; et, quand ils se retournent, le curé s’en est allé avec les deux enfants ; il n’y a plus là que la famille, qui attend d’un air de patience.

Enfin, la fosse est creusée.

— C’est assez profond, va ! crie l’un des paysans qui ont porté le corps.

Et tout le monde aide pour descendre le cercueil. Le père Lacour sera bien, dans ce trou. Il connaît la terre, et la terre le connaît. Ils feront bon ménage ensemble. Voici près de soixante ans