Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/137

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employés de la poste montra brusquement à Julien un grand vieillard et une vieille dame, en les lui nommant. C’étaient le marquis et la marquise de Marsanne. Ils sortaient si rarement, qu’il ne les avait jamais vus. Une grosse émotion le saisit, tant il les trouva maigres et solennels, comptant leurs pas, salués jusqu’à terre et répondant seulement d’un léger signe de tête. Alors, son camarade lui apprit coup sur coup qu’ils avaient une fille encore au couvent, mademoiselle Thérèse de Marsanne, puis que le petit Colombel, le clerc de maître Savournin, était le frère de lait de cette dernière. En effet, comme les deux vieilles gens allaient prendre la rue Sainte-Anne, le petit Colombel qui passait s’approcha, et le marquis lui tendit la main, honneur qu’il n’avait fait à personne. Julien souffrit de cette poignée de main ; car ce Colombel, un garçon de vingt ans, aux yeux vifs, à la bouche méchante, avait longtemps été son ennemi. Il le plaisantait de sa timidité, ameutait contre lui les blanchisseuses de la rue Beau-Soleil ; si bien qu’un jour, aux remparts, il y avait eu entre eux un duel à coups de poing, dont le clerc de notaire était sorti avec les deux yeux pochés. Et Julien, le soir, joua de la flûte plus bas encore, quand il connut tous ces détails.