Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/141

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bougie. De cette façon, elle ne le verrait point. Il voulait se coucher tout de suite, pour marquer sa mauvaise humeur. Mais il ne put résister au besoin de savoir ce qui se passait en face. La fenêtre ne s’ouvrit pas. Vers dix heures seulement, une lueur pâle se montra entre les lames des persiennes ; puis, cette lueur s’éteignit, et il resta à regarder la fenêtre sombre. Tous les soirs, dès lors, il recommença malgré lui cet espionnage. Il guettait l’hôtel ; comme aux premiers temps, il s’appliquait à noter les petits souffles qui en ranimaient les vieilles pierres muettes. Rien ne semblait changé, la maison dormait toujours son sommeil profond ; il fallait des oreilles et des yeux exercés, pour surprendre la vie nouvelle. C’était, parfois, une lumière courant derrière les vitres, un coin de rideau écarté, une pièce immense entrevue. D’autres fois, un pas léger traversait le jardin, un bruit lointain de piano arrivait, accompagnant une voix ; ou bien les bruits demeuraient plus vagues encore, un frisson simplement passait, qui indiquait dans la vieille demeure le battement d’un sang jeune. Julien s’expliquait à lui-même sa curiosité, en se prétendant très ennuyé de tout ce tapage. Combien il regrettait le temps où l’hôtel vide lui renvoyait l’écho adouci de sa flûte !