Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/144

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l’obscurité ses airs les plus vieux, des airs de pastorale, naïfs comme des rondes de petite fille. C’étaient des notes longuement tenues et tremblées, qui s’en allaient sur des cadences simples les unes derrière les autres, pareilles à des dames amoureuses de l’ancien temps, étalant leurs jupes. Il choisissait les nuits sans lune ; la place était noire, on ne savait d’où venait ce chant si doux, rasant les maisons endormies, de l’aile molle d’un oiseau nocturne. Et, dès le premier soir, il eut l’émotion de voir Thérèse à son coucher s’approcher tout en blanc de la fenêtre, où elle s’accouda, surprise de retrouver cette musique, qu’elle avait entendue déjà, le jour de son arrivée.

— Écoute donc, Françoise, dit-elle de sa voix grave, en se tournant vers l’intérieur de la pièce. Ce n’est pas un oiseau.

— Oh ! répondit une femme âgée, dont Julien n’apercevait que l’ombre, c’est bien sûr quelque comédien qui s’amuse, et très loin, dans le faubourg.

— Oui, très loin, répéta la jeune fille, après un silence, rafraîchissant dans la nuit ses bras nus.

Dès lors, chaque soir, Julien joua plus fort. Ses lèvres enflaient le son, sa fièvre passait dans la vieille flûte de bois jaune. Et Thérèse, qui écoutait