Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/159

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perdait alors dans les délices de la rancune. D’ailleurs, il se vengeait déjà, se laissait tomber sur des pierres, en entraînant Thérèse, sans craindre de se casser un membre, enchanté quand elle attrapait une bosse. S’il ne criait pas, lorsqu’elle le piquait devant le monde, c’était pour que personne ne se mît entre eux. Il y avait simplement là une affaire qui les regardait, une querelle dont il entendait sortir vainqueur, plus tard.

Cependant, le marquis s’inquiéta des allures violentes de sa fille. Elle ressemblait, disait-on, à un de ses oncles, qui avait mené une vie terrible d’aventures, et qui était mort assassiné dans un mauvais lieu, au fond d’un faubourg. Les Marsanne avaient ainsi, dans leur histoire, tout un filon tragique ; des membres naissaient avec un mal étrange, de loin en loin, au milieu de la descendance d’une dignité hautaine ; et ce mal était comme un coup de folie, une perversion des sentiments, une écume mauvaise qui semblait pour un temps épurer la famille. Le marquis, par prudence, crut donc devoir soumettre Thérèse à une éducation énergique, et il la plaça dans un couvent, où il espérait que la règle assouplirait sa nature. Elle y resta jusqu’à dix-huit ans.

Quand Thérèse revint, elle était très sage et très