Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/161

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d’autrefois. Colombel était souriant, très propre, sans le moindre embarras. Thérèse le regarda tranquillement, dit qu’elle se souvenait en effet, puis tourna le dos. Mais, huit jours plus tard, Colombel revint, et bientôt il avait repris ses habitudes anciennes. Il entrait chaque soir à l’hôtel, au sortir de son étude, apportait des morceaux de musique, des livres, des albums. On le traitait sans conséquence, on le chargeait des commissions, comme un domestique ou un parent pauvre. Il était une dépendance de la famille. Aussi le laissait-on seul auprès de la jeune fille, sans songer à mal. Comme jadis, ils s’enfermaient ensemble dans les grandes pièces, ils restaient des heures sous les ombrages du jardin. À la vérité, ils n’y jouaient plus les mêmes jeux. Thérèse se promenait lentement, avec le petit bruit de sa robe dans les herbes. Colombel, habillé comme les jeunes gens riches de la ville, l’accompagnait en battant la terre d’une canne souple qu’il portait toujours.

Pourtant, elle redevenait reine et il redevenait esclave. Certes, elle ne le mordait plus, mais elle avait une façon de marcher près de lui, qui, peu à peu, le rapetissait encore, le changeait en un valet de cour, soutenant le manteau d’une souveraine. Elle le torturait par ses humeurs fantasques,