Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/167

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Et, tout d’un coup, le sentiment de la réalité l’emplit d’une angoisse affreuse. Sans doute, une seconde, elle avait voulu le tuer. Mais c’était bête, cette pensée de colère. On veut toujours tuer les gens, quand on se bat ; seulement, on ne les tue jamais, parce que les gens morts sont trop gênants. Non, non, elle n’était pas coupable, elle n’avait pas voulu cela. Dans sa chambre, songez donc !

Elle continuait de parler à voix haute, lâchant des mots entrecoupés.

— Eh bien ! c’est fini… Il est mort, il ne s’en ira pas tout seul.

À la stupeur froide du premier moment, succédait en elle une fièvre qui lui montait des entrailles à la gorge, comme une onde de feu. Elle avait un homme mort dans sa chambre. Jamais elle ne pourrait expliquer comment il était là, les pieds nus, en manches de chemise, avec un trou à la tempe. Elle était perdue.

Thérèse se baissa, regarda la plaie. Mais une terreur l’immobilisa au-dessus du cadavre. Elle entendait Françoise, la mère de Colombel, passer dans le corridor. D’autres bruits s’élevaient, des pas, des voix, les préparatifs d’une soirée qui devait avoir lieu le jour même. On pouvait l’appeler, la