Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/195

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poisonnent l’air. Devant eux, s’étend la zone militaire, nue, déserte, blanche de gravats, à peine égayée de loin en loin par un cabaret en planches. Des usines dressent leurs hautes cheminées de briques, qui coupent le paysage et le salissent de longs panaches de fumée noire.

Mais, qu’importe ! par delà les cheminées, par delà les terrains dévastés, les braves gens aperçoivent les coteaux lointains, des prés qui font des taches vertes, grandes comme des nappes, des arbres nains qui ressemblent aux arbres en papier frisé des ménageries d’enfant ; et cela leur suffit, ils sont enchantés, ils regardent la nature, à deux ou trois lieues. Les hommes retirent leurs vestes, les femmes se couchent sur leurs mouchoirs étalés ; tous restent là jusqu’au soir, à s’emplir la poitrine du vent qui a passé sur les bois. Puis, quand ils rentrent dans la fournaise des rues, ils disent sans rire : « Nous revenons de la campagne. »

Je ne connais rien de si laid ni de plus sinistre que cette première zone entourant Paris. Toute grande ville se fait ainsi une ceinture de ruines. À mesure que les pavés avancent, la campagne recule, et il y a, entre les rues qui finissent et l’herbe qui commence, une région ravagée, une nature massacrée dont les quartiers nouveaux n’ont pas encore