Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/217

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côte ; et, dès que nous descendions, nous entendions la musique des chevaux de bois et les grands rires des gens qui dînaient dans les arbres.

Je me rappelle certains soirs. Nous traversions Robinson, par curiosité pour toute cette joie bruyante. Des lumières s’allumaient dans les châtaigniers, tandis qu’un bruit de fourchettes venait d’en haut ; on levait la tête, on cherchait le nid colossal où l’on trinquait si fort. L’explosion sèche des carabines coupait par moments les valses interminables des orgues de Barbarie. D’autres dîneurs, dans des bosquets, au ras de la route, riaient au nez des passants. Parfois, nous nous arrêtions, nous attendions là le dernier train.

Et quel retour adorable, dans la nuit claire ! Dès qu’on s’éloignait de Robinson, tout ce vacarme s’éteignait. Les couples, qui regagnaient le chemin de fer, marchaient avec lenteur. Sous les arbres, on ne voyait que les robes blanches, des mousselines légères flottant ainsi que des vapeurs envolées des herbes. L’air avait une douceur embaumée. Des rires passaient comme des frissons ; et, dans ce calme, les bruits portaient très loin, on entendait, sur les autres routes, en haut de la côte, des voix alanguies de femmes qui chantaient quelque chanson, un refrain dont la bêtise prenait