Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/238

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ils n’accablent la puissante tribu des Floche, pris de la rage amère de ces nobles, décimés, ruinés, qui voient le pullulement de la bourgeoisie maîtresse de leurs rentes et de leurs châteaux. Naturellement, les Floche, de leur côté, ont le triomphe insolent. Ils jouissent, ce qui les rend goguenards. Pleins de moquerie pour l’antique race des Mahé, ils jurent de les chasser du village, s’ils ne courbent pas la tête. Ce sont pour eux des meurt-de-faim, qui, au lieu de se draper dans leurs guenilles, feraient beaucoup mieux de les raccommoder. Coqueville se trouve ainsi en proie à deux factions féroces, quelque chose comme cent trente habitants résolus à manger les cinquante autres, par la simple raison qu’ils sont les plus forts. La lutte entre deux grands empires n’a pas d’autre histoire.

Parmi les querelles qui ont dernièrement bouleversé Coqueville, on cite la fameuse inimitié des deux frères Fouasse et Tupain, et les batailles retentissantes du ménage Rouget. Il faut savoir que chaque habitant recevait jadis un surnom, qui est devenu aujourd’hui un véritable nom de famille ; car il était difficile de se reconnaître parmi les croisements des Mahé et des Floche. Rouget avait eu certainement un aïeul d’un blond ardent ; quant à Fouasse et à Tupain, ils se nommaient ainsi sans qu’on sût pour-