Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/287

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croyant avoir soufflé sa chandelle, s’était abandonné dans le noir. Puis, le jour avait grandi ; et, maintenant, le soleil flambait, un soleil qui tombait d’aplomb sur les dormeurs, sans leur faire cligner les paupières. Ils dormaient rudement, tous la face réjouie, avec la belle innocence des ivrognes. Les poules, de grand matin, devaient être descendues piquer les tonneaux, car elles étaient soûles, elles aussi, couchées dans le sable. Même il y avait cinq chats et trois chiens, les pattes en l’air, gris d’avoir sucé les verres, ruisselants de sucre.

Un instant, M. Mouchel marcha au milieu des dormeurs, en ayant soin de n’écraser personne. Il comprenait, car on avait également recueilli à Grandport des tonneaux, provenant du naufrage d’un navire anglais. Toute sa colère était tombée. Quel spectacle touchant et moral ! Coqueville réconcilié, les Mahé et les Floche couchés ensemble ! Au dernier verre, les pires ennemis s’étaient embrassés. Tupain et Fouasse ronflaient la main dans la main, en frères incapables à l’avenir de se disputer un héritage. Quant au ménage Rouget, il offrait un tableau plus aimable encore, Marie dormait entre Rouget et Brisemotte, comme pour dire que, désormais, ils vivraient ainsi, heureux tous les trois.