Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/292

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maîtresse femme, énorme et gaie, dont les rires s’entendaient à l’autre bout du village. Ensuite venait toute la nichée : mon fils Jacques, sa femme Rose, et leurs trois filles, Aimée, Véronique et Marie ; la première mariée à Cyprien Bouisson, un grand gaillard, dont elle avait deux petits, l’un de deux ans, l’autre de dix mois ; la seconde, fiancée d’hier, et qui devait épouser Gaspard Rabuteau ; la troisième, enfin, une vraie demoiselle, si blanche, si blonde, qu’elle avait l’air d’être née à la ville. Ça faisait dix, en comptant tout le monde. J’étais grand-père et arrière-grand-père. Quand nous étions à table, j’avais ma sœur Agathe à ma droite, mon frère Pierre à ma gauche ; les enfants fermaient le cercle, par rang d’âges, une file où les têtes se rapetissaient jusqu’au bambin de dix mois, qui mangeait déjà sa soupe comme un homme. Allez, on entendait les cuillers dans les assiettes ! La nichée mangeait dur. Et quelle belle gaieté, entre deux coups de dents ! Je me sentais de l’orgueil et de la joie dans les veines, lorsque les petits tendaient les mains vers moi, en criant :

— Grand-père, donne-nous donc du pain !… Un gros morceau, hein ! grand-père !

Les bonnes journées ! Notre ferme en travail