Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/333

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ceraient, si nous restions tous les cinq entassés sur un si petit espace.

Depuis quelques minutes, mon frère Pierre avait remis sa pipe à ses lèvres, d’un geste machinal. Il tordait sa moustache de vieux soldat, les sourcils froncés, grognant de sourdes paroles. Ce danger croissant qui l’entourait et contre lequel son courage ne pouvait rien, commençait à l’impatienter fortement. Il avait craché deux ou trois fois dans l’eau, d’un air de colère méprisante. Puis, comme nous enfoncions toujours, il se décida, il descendit la toiture.

— Pierre ! Pierre ! criai-je, ayant peur de comprendre.

Il se retourna et me dit tranquillement :

— Adieu, Louis… Vois-tu, c’est trop long pour moi. Ça vous fera de la place.

Et, après avoir jeté sa pipe la première, il se précipita lui-même, en ajoutant :

— Bonsoir, j’en ai assez !

Il ne reparut pas. Il était nageur médiocre. D’ailleurs, il s’abandonna sans doute, le cœur crevé par notre ruine et par la mort de tous les nôtres, ne voulant pas leur survivre.

Deux heures du matin sonnèrent à l’église. La nuit allait finir, cette horrible nuit déjà si pleine