Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/106

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agite, à condition que l’homme reste le centre, le sujet que l’auteur s’est proposé de peindre. C’est lui qui est la somme totale de l’effet, c’est en lui que le résultat général doit s’obtenir ; le décor réel ne se développe que pour lui apporter plus de réalité, pour le poser dans l’air qui lui est propre, devant le spectateur. En dehors de ces conditions, je fais bon marché de toutes les curiosités de la décoration, qui ne sont guère à leur place que dans les féeries.

Nous avons conquis la vérité du costume. On observe aujourd’hui l’exactitude de l’ameublement. Les pas déjà faits sont considérables. Il ne reste guère qu’à mettre à la scène des personnages vivants, ce qui est, il est vrai, le moins commode. Dès lors, les dernières traditions disparaîtraient, on règlerait de plus en plus la mise en scène sur les allures de la vie elle-même. Ne remarque-t-on pas, dans le jeu de nos acteurs, une tendance réaliste très accentuée ? La génération des artistes romantiques a si bien disparu, qu’on éprouve toutes les peines du monde à remonter les pièces de 1810 ; et encore les vieux amateurs crient-ils à la profanation. Autrefois, jamais un acteur n’aurait osé parler en tournant le dos au public ; aujourd’hui, cela a lieu dans une foule de pièces. Ce sont de petits faits, mais des faits caractéristiques. On vit de plus en plus les pièces, on ne les déclame plus.

Je me résume, en reprenant une phrase que j’ai écrite plus haut : une œuvre n’est qu’une bataille livrée aux conventions, et l’œuvre est d’autant plus grande qu’elle sort plus victorieuse du combat.