Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/110

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Mais, si nous ne retournons pas au décor abstrait, c’est que nous ne le pouvons pas, tout bonnement. Il n’y a pas le moindre engouement dans notre fait. Le décor exact s’est imposé de lui-même, peu à peu, comme le costume exact. Ce c’est pas une affaire de mode, c’est une affaire d’évolution humaine et sociale. Nous ne pouvons pas plus revenir aux écriteaux de Shakespeare, que nous ne pouvons revivre au seizième siècle. Cela nous est défendu. Sans doute des chefs-d’œuvre ont poussé dans cette convention du décor ; car ils étaient là comme dans leur sol naturel ; mais, ce sol n’est plus le nôtre, et je défie un auteur dramatique d’aujourd’hui de rien créer de vivant, s’il ne plante pas solidement son œuvre dans notre terre du dix-neuvième siècle.

Comment un homme de l’intelligence de M. Sarcey ne tient-il pas compte du mouvement qui transforme continuellement le théâtre ? Il est très lettré, très érudit ; il connaît comme pas un notre répertoire ancien et moderne ; il a tous les documents pour suivre l’évolution qui s’est produite et qui continue. C’est là une étude de philosophie littéraire qui devrait le tenter. Au lieu de s’enfermer dans une rhétorique étroite, au lieu de ne voir dans le théâtre qu’un genre soumis à des lois, pourquoi n’ouvre-t-il pas sa fenêtre toute grande et ne considère-t-il pas le théâtre comme un produit humain, variant avec les sociétés, s’élargissant avec les sciences, allant de plus en plus à cette vérité qui est notre but et notre tourment ?

Je reste dans la question des décors. Voyez combien le décor abstrait du dix-septième siècle répond à la littérature dramatique du temps. Le milieu ne compte pas encore. Il semble que le personnage