Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/118

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l’exactitude des lieux, jusqu’aux copies si fidèles de notre temps. Prenez les costumes, et j’y reviendrai longuement avec M. Julien : même gradation, la fantaisie et l’insouciance comme point de départ, et une continuelle réforme aboutissant à nos scrupules historiques d’aujourd’hui. Prenez la déclamation, l’art du comédien : pendant deux siècles, on déclame sur un ton ampoulé, on lance les vers comme un chant d’église, sans la moindre recherche de la justesse et de la vie ; puis, avec mademoiselle Clairon, avec Lekain, avec Talma, le progrès s’accomplit très péniblement et au milieu des discussions. Ce qu’on parait ignorer, c’est que, si l’on jouait aujourd’hui, à la Comédie-Française, une pièce de Corneille, de Molière ou de Racine, comme elle a été jouée à la création, on se tiendrait les côtes de rire, tant les décors, les costumes et le ton des acteurs sembleraient grotesques.

Voilà qui est clair. Le progrès, ou si l’on aime mieux l’évolution, ne peut faire doute pour personne. Depuis le quinzième siècle, il s’est produit ce que je nommerai un besoin d’illusion plus grand. Les conventions, les erreurs de toutes sortes ont disparu, une à une, chaque fois qu’une d’entre elles a fini par trop choquer le public. On doit ajouter qu’il a fallu des années et l’effort des plus grands génies pour venir à bout des moindres contre sens. C’est là ce que je voudrais voir établi nettement par une Histoire de notre théâtre national.

Tenez, une des questions les plus curieuses et qui montre bien l’imbécillité de la convention. Au quinzième siècle, tous les rôles de femme étaient tenus par de jeunes garçons. Ce fut seulement sous Henri IV