Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/138

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cri vrai. Dès lors, la langue de théâtre, cette langue plus sonore, disparaît. Nous allons à la simplicité, au mot exact, dit sans emphase, tout naturellement. Et que d’exemples, si je ne devais me borner ! Voyez la puissance de Geoffroy sur le public, tout son talent est dans sa nature ; il prend le public parce qu’il parle à la scène comme il parle chez lui. Quand la phrase sort de l’ordinaire, il ne peut plus la prononcer, l’auteur doit en chercher une autre. Voilà la condamnation radicale de la prétendue langue de théâtre. D’ailleurs, suivez la diction d’un acteur de talent, et étudiez le public : les applaudissements partent, la salle s’enthousiasme, lorsqu’un accent de vérité a donné aux mots prononcés la valeur exacte qu’ils doivent avoir. Tous les grands triomphes de la scène sont des victoires sur la convention.

Hélas ! oui, il y a une langue de théâtre : ce sont ces clichés, ces platitudes vibrantes, ces mots creux qui roulent comme des tonneaux vides, toute cette insupportable rhétorique de nos vaudevilles et de nos drames, qui commence à faire sourire. Il serait bien intéressant d’étudier la question du style chez les auteurs de talent comme MM. Augier, Dumas et Sardou ; j’aurais beaucoup à critiquer, surtout chez les deux derniers, qui ont une langue de convention, une langue à eux qu’ils mettent dans la bouche de tous leurs personnages, hommes, femmes, enfants, vieillards, tous les sexes et tous les âges. Cela me paraît fâcheux, car chaque caractère a sa langue, et si l’on veut créer des êtres vivants, il faut les donner au public, non seulement avec leurs costumes exacts et dans les milieux qui les déterminent, mais encore avec leurs façons personnelles de penser et de s’exprimer.