Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/159

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du mouvement littéraire actuel. Ils ne sont pas faits pour les œuvres qui viennent. Notre mouvement naturaliste, en un mot, ne voit pas encore poindre ses Frédérick-Lemaître et ses Dorval.

Justement, Desclée s’annonçait comme la Dorval de ce mouvement. C’est pourquoi nous la regrettons avec tant d’amertume. Il est une loi : c’est que toute période littéraire, au théâtre, doit amener avec elle ses interprètes, sous peine de ne pas être. La tragédie a eu ses illustres comédiens pendant deux siècles ; le romantisme a fait naître toute une génération d’artistes de grand talent. Aujourd’hui, le naturalisme ne peut compter sur aucun acteur de génie. C’est sans doute parce que les œuvres, elles aussi, ne sont encore qu’en promesse. Il faut des succès pour déterminer des courants d’enthousiasme et de foi ; et ces courants seuls dégagent les originalités, amènent et groupent autour d’une cause les combattants qui doivent la défendre.

Examinez le personnel de nos actrices, par exemple. Voilà Desclée morte, à qui confiera-t-on le rôle de Froufrou ? M. Montigny a voulu utiliser mademoiselle Legault, qu’il avait sous la main. Mais je suis persuadé que celle-ci n’a accepté le rôle qu’à son corps défendant ; il n’est pas dans ses moyens ; elle y est fort jolie, seulement elle ne saurait lui donner de la profondeur ni en rendre le détraquement nerveux. Mademoiselle Legault est une très charmante ingénue, un peu minaudière, dont on a voulu à tort forcer les notes aimables.

Je crois que, si M. Montigny avait eu le choix, il aurait préféré donner le rôle à mademoiselle Blanche