Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/176

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incartade d’une jolie femme, qui pratique tant d’arts différents avec une égale supériorité, et gardons nos sévérités pour des artistes moins universels et plus sérieux ». Mais, dans ce cas, pourquoi M. Augier a-t-il voulu absolument confier le rôle de Clorinde à madame Sarah Bernhardt ? Si « l’art n’a rien à voir » chez cette comédienne, s’il y a, à la Comédie-Française, des artistes « moins universels et plus sérieux », encore un coup pourquoi diable l’auteur a-t-il fait un si mauvais choix ? Je ne saurais m’arrêter à cette idée que M. Augier a choisi madame Sarah Bernhardt parce qu’elle faisait recette ; cette supposition serait indigne. Il y a donc manque de logique. On ne lâche pas de la sorte, en faisant de l’esprit, une artiste au talent de laquelle on a cru.

Le coup de folie est général, et il part de haut. Je ne puis m’arrêter à toutes les sottises qu’on écrit. Ainsi, on parle du tort que le départ de madame Sarah Bernhardt fait à M. Augier. Quelle est cette plaisanterie ? Dans huit jours, lorsque madame Croizette reprendra le rôle, elle aura un succès écrasant, et l’Aventurière bénéficiera de tout le tapage fait ; c’est, comme on dit, un lançage superbe. Le tort fait à la Comédie-Française est plus réel ; il est certain que madame Sarah Bernhardt laisse un grand vide. Pourtant, la demande de trois cent mille francs de dommages et intérêts me paraît un peu raide. Un arrangement serait seul raisonnable. Mais allez donc parler raison, quand les têtes sont fêlées à ce point ! Il faut laisser faire le temps. Je me plais à croire que, lorsque tout ce tapage sera calmé, madame Sarah Bernhardt rentrera comme pensionnaire à la Comédie-Française, où l’on n’aura pu la remplacer,