Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/188

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l’évolution naturaliste de notre âge. Dans les sciences, le mouvement est formidable, et ce sont précisément les travaux des savants qui ont donné le branle à toute l’intelligence contemporaine. Les arts et les lettres ont suivi ; dans notre école de peinture, chez nos historiens, nos critiques, nos romanciers, même nos poètes, on peut suivre les transformations considérables amenées par l’application des méthodes exactes. Eh bien ! c’est cette évolution qui m’intéresse, qui me passionne. J’en suis la marche, le développement ; j’en attends le triomphe définitif. Au théâtre, cette évolution me paraît marcher plus lentement et ne pas encore produire les œuvres qu’on doit en attendre. Tout mon terrain de critique est là. Je n’ai pas la folle vanité de croire que c’est moi qui vais déterminer un mouvement de cette puissance irrésistible. Le courant impétueux passe, et je me jette au milieu, je m’abandonne à lui, Certain qu’il doit me conduire où va le siècle. Ceux qui veulent le remonter, seront noyés, voilà tout. Il serait aussi sot de le nier que de dire : « C’est moi qui l’ai fait. »

Mais mon plus grand crime, paraît-il, est d’avoir lancé dans la circulation ce mot terrible de naturalisme, sur lequel M. Henry Fouquier s’égaye avec la fine fleur de son esprit. Est-ce bien moi qui ai créé le mot ? je n’en sais ma foi rien ! Enfin, je l’ai employé et j’en accepte la paternité. C’est donc bien abominable de prendre un mot nouveau, lorsqu’on éprouve le besoin de désigner une chose ancienne d’une façon saisissante. Mettons que la formule de la vérité dans l’art nous vienne de Platon et d’Aristote. Suis-je condamné à employer une périphrase pour