Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/189

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

désigner cette vérité dans l’art ? N’est-il pas plus commode de choisir un mot, d’accepter un mot qui est dans l’air ? Puis, il n’y a pas d’absolu. Du temps de Platon et d’Aristote, la vérité dans l’art a pu avoir un nom qui ne lui convienne plus aujourd’hui ; si le fond est éternel, les façons d’être changent, la nécessité d’appellations nouvelles se fait sentir. On me demande pourquoi je ne me suis pas contenté du mot réalisme, qui avait cours il y a trente ans ; uniquement parce que le réalisme d’alors était une chapelle et rétrécissait l’horizon littéraire et artistique. Il m’a semblé que le mot naturalisme élargissait au contraire le domaine de l’observation. D’ailleurs, que ce mot soit bien ou mal choisi, peu importe. Il finira par avoir le sens que nous lui donnerons. C’est uniquement ce sens qui est la grande affaire.

Et ici j’entre dans le vif de ma querelle avec M. Henry Fouquier. Il est plein d’esprit, cela je ne le nie pas ; mais il fait un raisonnement qui m’a paru dénoter une philosophie un peu puérile, cette philosophie du coin du feu qui discute sur l’art de couper les cheveux en quatre. Voici ce qu’il écrit : « Je crois que l’erreur capitale du propagateur zélé du naturalisme consiste à avoir confondu le fond éternel des choses avec les moyens d’expression. » Puis, il s’explique : de tout temps les artistes ont eu pour but de reproduire la nature, de se faire les interprètes de la vérité. Tous les artistes sont donc des naturalistes. Où ils commencent à différer, c’est lorsqu’ils expriment, par ce que chaque groupe d’artistes, selon les temps, les milieux et les tempéraments, donne alors des expressions différentes de la nature. C’est là seulement, d’après M. Henry Fouquier, que les