Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/203

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

perdue, lorsque les augures annoncent qu’une vestale a trahi son vœu et qu’il faut apaiser les dieux, si l’on désire sauver la patrie. Voilà, du coup, le cadre qui s’élargit. Opimia, la vestale parjure, grandit et devient brusquement héroïque. Il y a bien à côté un drame amoureux : elle aime le soldat Lentulus, qui est venu annoncer la défaite de Paul-Emile. Mais l’idée patriotique domine, et si Opimia revient se livrer après s’être sauvée avec son amant, c’est que la patrie la réclame.

Et je veux répondre aussi à la ridicule querelle qu’on fait à l’auteur, en lui reprochant d’avoir pris pour nœud de son drame une superstition odieuse. Cette superstition s’appelait alors une croyance, et dès lors la question s’élève. Si tout le peuple de Rome croyait fermement acheter la victoire par l’ensevelissement épouvantable d’Opimia, cet ensevelissement prenait aussitôt un caractère de nécessité grandiose. Elle-même, si elle avait la foi, se sacrifiait avec autant de noblesse que le soldat donnant son sang à la patrie. Je vais même plus loin, j’admets que l’oncle d’Opimia, Fabius, qui la juge et l’envoie à la mort, soit assez éclairé et assez sceptique pour ne pas croire à l’efficacité matérielle de l’agonie affreuse d’une pauvre enfant ; il agit cependant en ardent patriote, en consentant à cette agonie, qui peut rendre le courage au peuple et faire sortir de terre de nouveaux défenseurs.

Certes, on restreindrait fort le domaine dramatique, si l’on refusait la foi comme moyen. L’auteur est à Rome et non à Paris. Je trouve même fâcheux son personnage du poète Ennius qu’il a créé uniquement pour plaider les droits de l’humanité. Ennius m’a