Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

paru singulièrement moderne. Cela prouve que M. Alexandre Parodi a prévu l’objection des personnes sensibles, et qu’il a voulu leur faire une concession. Je crois que la tragédie aurait encore gagné en largeur, en acceptant l’horreur entière du sujet. On tue Opimia parce que la patrie d’alors veut qu’on la tue, et c’est tout, cela suffit.

D’ailleurs, le mérite de Rome vaincue est surtout dans le développement de l’idée première. Opimia a pour aïeule une vieille femme aveugle, Postumia, qui vient la disputer à ses juges avec un emportement superbe. De ses bras tendus, de ses mains tremblantes, elle cherche sa fille, la serre avec des cris de révolte. Elle supplie les juges, se traîne à leurs genoux, puis les insulte, quand ils se montrent impitoyables. La scène a fait un grand effet. Mais elle n’est que la préparation d’une autre scène, que je trouve plus large encore. Quand Postumia voit Opimia perdue, elle veut tout au moins abréger son agonie, elle lui apporte un poignard. Et, comme la pauvre fille a les mains liées et qu’elle ne peut se frapper elle-même, l’aïeule lui demande où est la place de son cœur, puis la tue. Au dénoûment, lorsque la nouvelle de la retraite d’Annibal fait courir tout le peuple aux remparts, Postumia, restée seule à la porte du caveau d’Opimia, y descend, pour mourir à côté du corps de l’enfant.

Eh bien, cela est absolument grand. L’homme qui a trouvé cela est un tempérament dramatique de première valeur. Si une pareille situation se trouvait dans un drame, accommodée au ragoût romantique, nos poètes n’auraient pas assez d’exclamations pour crier au génie. Sans doute, la forme classique me gêne ;