Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/211

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là dedans un rôle symbolique. Elle doit être la liberté en personne, j’imagine. Au dénoûment, Spartacus, après avoir battu les Romains, est à son tour sur le point d’être vaincu. Il se tue d’un coup de poignard en pleine poitrine ; Camille devient folle sur son cadavre ; et, quand le consul Crassus se présente, Séphare le traite de la belle façon, lui montre sa fille folle, et lui annonce qu’un jour le fils de Spartacus et de Camille reprendra l’œuvre de délivrance. Sur quoi, un chœur envahit de nouveau la scène, et la toile tombe sur la reprise des couplets du troisième acte.

J’écoutais donc attentivement. L’impression des premières scènes était assez agréable. Le carnaval romain, ce décor large et à style sévère, ces personnages aux draperies de couleur tendre, me reposaient du carnaval romantique, des guenilles et des armures du moyen âge. Vraiment, les femmes sont adorables, les cheveux cerclés d’or, les bras nus, dans ces étoffes souples, où leur corps libre roule si voluptueusement. Puis, j’attrapais par-ci par-là un bout de vers assez mal rimé, mais d’une musique sonore et éclatante. Enfin, je ne m’ennuyais pas, j’attendais de comprendre sans trop d’impatience.

Au milieu du premier acte, cependant, comme j’étais de plus en plus attentif, j’ai commencé à éprouver une légère douleur aux tempes. Une consternation peu à peu m’envahissait, car je ne comprenais toujours pas, malgré mes efforts. J’avais beau ouvrir les oreilles, tendre l’esprit, répéter tout bas les mots que je saisissais, le sens m’échappait, les paroles tombaient comme des bruits qui s’envolaient, avant d’avoir formé des phrases. Maintenant, la pesanteur