Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/218

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violente et superbe, le dominant, devenant le mâle, elle ne nous intéresse plus, elle s’effondre. Et c’est ce qui arrive, le rôle est très mauvais, une actrice de génie n’en tirerait pas un cri humain. Garin de même reste un fantoche ; sa lutte avec le remords ne se marque pas assez, on ne voit pas ses élats d’âme, sa passion, sa fureur, puis son affolement ; tout cela se fond et se brouille dans une phraséologie étonnante, où une fausse poésie délaye à chaque minute la situation dramatique. Au dénoûment surtout, les deux héros m’ont paru pitoyables. Cette femme qui s’empoisonne de son côté, cet homme qui se poignarde du sien, pour finir la pièce, ne meurent pas logiquement, par la force même de la situation ; je veux dire que leur mort n’est pas une conséquence inévitable de l’action, une mort analysée et déduite, ce qui la rend vulgaire.

Un autre point m’a beaucoup frappé. Après le troisième acte, je me demandais avec curiosité comment M. Paul Delair allait encore trouver la matière de deux actes. Un acte d’exposition, un acte pour le meurtre, un acte pour les remords, enfin un acte pour la punition : cela me semblait la seule coupe possible. Mais cela ne faisait que quatre actes, et j’étais d’autant plus surpris que le gros du drame, le spectre et tout le tremblement se trouvaient au troisième acte, ce qui demandait, pour la bonne distribution d’une pièce, un dénoûment rapide, dans un quatrième acte très court. M. Paul Delair voulait cinq actes, et il a tout bonnement rempli son quatrième acte par un interminable couplet patriotique. J’avoue que je ne m’attendais pas à cela. Tout devait y être, jusqu’au drapeau français.