Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/231

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sauve avec sa fille pour suivre un amant indigne, le traître de la pièce, et que nous retrouvons dans les larmes, dans le remords, dans tout le tra la la des beaux sentiments. J’ai dit le mot juste, elle est décourageante, car rien n’est plus attristant et malsain que le mensonge. L’auteur a dû vouloir créer l’adultère sympathique, l’ange des épouses infidèles, l’héroïne impeccable des femmes tombées. Et il a accouché de cette pleurnicheuse, dont ni la faute ni le repentir ne nous touchent, et qui se traîne aux pieds de son mari, sans que la salle soit émue. Pourquoi nous intéresserions-nous à elle, puisqu’elle est une poupée dont nous apercevons toutes les ficelles ?

Dirai-je un mot du style, maintenant ? Ici, je me sens les bras cassés. J’avais véritablement l’impression d’un déluge de tuiles sur mes épaules, pendant la représentation de Coq-Hardy. On ne peut imaginer les étranges phrases qui tombent là dedans. L’auteur semble avoir ramassé avec soin toutes les tournures clichées, les bêtises de la rhétorique, les images que l’usage a ridiculisées, afin de les mettre à la queue les unes des autres dans son œuvre. C’est un véritable cahier de mauvaises expressions. Pas une ne manque. On aurait voulu faire un pastiche de la langue des mélodrames, qu’on ne serait certainement pas arrivé à une pareille réussite sans beaucoup d’efforts. Ce que je ne comprends pas, c’est qu’un public n’ait pas les oreilles plus sensibles. Comment se fait-il que des spectateurs, qui se fâcheraient si un orchestre jouait faux, puissent supporter patiemment toute une soirée une langue si abominablement fausse ? Je sais que, pour mon compte, le style de Coq-Hardy m’a