Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/242

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qui adore ses fils ; le plus jeune, Karl, meurt dans ses bras, tué par un officier du tyran ; l’aîné, Tolben, est arrêté et va être exécuté, si Marthe ne trahit pas les patriotes de Stockholm, qui conspirent pour la délivrance du pays. Mais sa trahison tourne contre la malheureuse femme ; Tolben lui-même est accusé de son crime et veut se faire tuer, pour se laver d’une telle accusation aux yeux de ses compagnons d’armes. Alors, cette mère, qui a sacrifié la patrie à ses fils, se sacrifie elle-même pour la patrie, meurt en ouvrant une des portes de Stockholm à Gustave Wasa ; et c’est là une expiation très haute, qui devrait donner une grande largeur au dénoûment.

M. Ernest Blum ne s’est point contenté de cette figure. Il a imaginé une création énigmatique, Ruskoé, un bossu, un chétif, qui, ne pouvant servir, son pays par l’épée, le sert à sa manière en se faisant espion. Pour tout le monde, il est l’espion du roi ; mais, en réalité, il travaille à la délivrance de la patrie, il est l’espion de Wasa. Certes, la figure était faite pour tenter un dramaturge : ce pauvre être hué, lapidé, vivant dans le mépris de ses frères, poussant le dévouement jusqu’à accepter l’infamie, attendant des semaines, des mois, avant de pouvoir se redresser dans son honneur et dire son long héroïsme. J’estime cependant que Ruskoé n’a pas donné tout ce que l’auteur en attendait, et cela pour diverses raisons.

La première est que l’intérêt hésite entre lui et Marthe. Sans doute ces deux personnages se rencontrent, lorsque, au quatrième acte, Ruskoé vient offrir le pardon à la femme qui a trahi, en lui donnant les moyens de sauver Stockholm. La scène est fort belle. Seulement,