Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/271

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basse. Le drame de M. Paul Deroulède est comme un corps d’armée qui défilerait dans ma rue. Je ferme ma fenêtre, agacé par le vacarme, qui m’empêche d’avoir deux idées justes l’une après l’autre.

Je suis peut-être très sévère. M. Paul Deroulède est jeune et mérite tous les encouragements. Il a du talent, d’ailleurs. Je n’aime pas ce talent, voilà tout. Je crois qu’un peu de vérité dans l’art est préférable à tout ce tra la la des beaux sentiments. Les bonshommes en bois, même lorsque le bois est doré, ne font pas mon affaire. Je préfère à l’Hetman un petit acte fin et vrai du Palais-Royal, le Roi Candaule, par exemple. Au moins, nous sommes là avec des créatures humaines. Qu’est-ce que c’est que Froll Gherasz ? Un père et un patriote. Mais quel père et quel patriote ? Nous n’en savons rien. Froll-Gherasz est une abstraction, il ressemble à un de ces personnages des anciennes tapisseries, qui ont une banderole dans la bouche, pour nous dire quels héros ils représentent. Pas d’observation, pas d’analyse, pas d’individualité. Le théâtre ainsi entendu remonte par delà la tragédie, jusqu’aux mystères du moyen âge.

Ah ! je suis bien tranquille, d’ailleurs. Ce n’est pas l’Hetman qui ressuscitera le drame historique. Il est un exemple de la pauvreté et de la caducité du genre. Laissez passer cette tempête de bravos patriotiques, laissez refroidir ces tirades, et vous vous trouverez en face d’un drame dans le genre des drames, aujourd’hui glacés, de Casimir Delavigne, beaucoup moins bien fait et d’un ennui mortel.