Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/311

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l’attitude de la critique, à l’égard de MM. Jules Kervani et Pierre de l’Estoile.

Eh bien ! que ces messieurs me permettent de leur tenir un autre langage. Je suis le seul de mon opinion ; aussi vais-je lâcher d’être très clair et d’appuyer mon dire sur des arguments décisifs. Certes, les deux auteurs, en écrivant l’Obstacle, ont fait une œuvre très honorable, et je me réjouis de leur succès. Mais je crois remplir strictement mon devoir de critique, en leur disant qu’ils ont choisi là une formule dramatique inférieure, et qu’ils doivent se dégager au plus tôt de cette formule, s’ils ont la moindre ambition littéraire.

J’arrive aux preuves. Que sont leurs personnages ? Des pantins, pas davantage. Les jeunes gens sont des jeunes gens, les pères sont des pères, le tout complètement abstrait, chaque figure représentant une idée et non un individu. Il me semble voir ces personnages portant chacun un écriteau sur la poitrine : « Moi je suis un jeune homme honnête qui aime une jeune fille… Moi je suis un père honnête dont la femme s’est mal conduite… » Quant à l’homme que cache l’écriteau, il nous reste profondément inconnu ; nous ne voyons seulement pas le bout de son nez, nous ignorons ce qu’il a dans le ventre. Aucune analyse humaine, en somme ; pas un seul document nouveau, une simple exhibition de sentiments généraux qui manquent même de tout relief artistique.

Mais les faits sont encore plus significatifs. Si les personnages restent uniquement des poupées destinées à être rangées sur une table, comme les soldats de plomb des enfants, tout l’intérêt se porte sur le