Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/328

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cent mille francs qu’il vient de faire porter chez un banquier par Bidard, le clerc de M° Violette. Et voilà qu’on lui annonce la fuite de ce banquier. Il se désole. Enfin, quand il apprend que Bidard, prévenu à temps, ne s’est pas dessaisi de la somme, il se laisse attendrir et consent à donner les cent mille francs à son fils.

Je commencerai par la critique. Qui ne comprend que ce dénoûment est fâcheux ? Pendant les deux premiers actes, M. Louis Davyl s’est tenu dans une étude très simple et très juste d’un petit coin de la vie de province. On ne sent nulle part la convention théâtrale, les recettes connues, la routine des expédients et des ficelles du métier. Rien de plus charmant, de mieux observé et de mieux rendu. Et voilà tout d’un coup que l’auteur paraît avoir peur de cette belle simplicité ; il se dit que ça ne peut pas finir comme ça, que ce serait trop nu, qu’il faut absolument corser le troisième acte. Alors, il ramasse cette vieille histoire des cent mille francs qu’on croit perdus et qu’on retrouve dans la poche d’un clerc fantaisiste. Il force le coffre-fort de son égoïste par un tour de passe-passe, au lieu de chercher à amener le dénoûment par une évolution du caractère du personnage.

Le pis est que M. Louis Davyl a fait la scène qu’il fallait faire, et qu’il l’a même très bien faite. Quand M. Chéribois rentre chez lui à la nuit tombante, il ne trouve plus personne, ni sa femme, ni sa nièce, ni la vieille bonne. Il n’y a pas même de lampe allumée. Le nid où il se fait dorloter depuis un demi-siècle est désert et froid, lentement empli d’une ombre inquiétante. Alors, il est pris de peur, il tremble qu’on ne