Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/329

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l’abandonne, il grelotte à la pensée qu’il n’aura plus là trois femmes pour prévenir ses moindres désirs. Et il se lance à travers les pièces, il appelle, il crie. C’est lui, dès lors, qui est à la merci de son entourage. J’aurais voulu qu’a ce moment il fût vaincu par le seul fait de son abandon, que son caractère d’égoïste lui arrachât ce cri : « Tenez ! voilà les cent mille francs, rendez-moi ma tranquillité et mon bien-être. »

Remarquez que M. Chéribois obéissait ainsi jusqu’au bout à sa nature. Après avoir résisté par égoïsme, il consentait par égoïsme. Son vice le punissait, sans que l’auteur eût à le transformer. D’autre part, il faut songer que M. Chéribois n’est pas un avare ; il se nourrit merveilleusement et tient à digérer dans de bons fauteuils. S’il refuse de donner les cent mille francs, c’est qu’il songe sans doute à toutes les satisfactions personnelles qu’il peut se procurer avec une pareille somme. Rien d’étonnant dès lors à ce qu’il les donne, dès que son refus menace de gâter son existence entière. Je le répète, le dénoûment naturel était là, et pas ailleurs.

Tout le reste, les cent mille francs promenés dans la poche de Bidard, le bel expédient de Lucile, décidant Laurent à vendre sa vigne, n’est réellement là que pour tenir de la place. Ce sont des complications enfantines, imaginées en dehors de toute observation, ajoutées par l’auteur dans le but d’occuper les planches. Je crois le calcul fâcheux. L’effet obtenu aurait grandi, si le troisième acte avait continué la belle et touchante simplicité des deux premiers. M. Louis Davyl a eu le tort de ne pas pousser magistralement son étude jusqu’au bout. Il s’est dit qu’une «