Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/342

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scènes des Hanlon, est de montrer de quelle observation cruelle, de quelle rage d’analyse, ces mimes de génie tirent le rire. Il leur fallait d’autant plus de souplesse que la situation, pour eux, reste la même depuis le commencement jusqu’à la fin de la pièce. Ils n’ont pas trouvé là un drame avec ses péripéties : leur action se borne à être des farceurs, qui interviennent toujours dans les mêmes conditions. Défaut grave du scénario, monotonie qu’ils ne sont parvenus à dissimuler que par des prodiges de nuances. Ils ont mis partout des dessous, lorsqu’il n’y en avait pas. Leurs merveilles d’exécution ont sauvé la pauvreté du thème.

Voyez leur première entrée en scène. Ils arrivent sur l’impériale d’une vieille diligence qui, tout d’un coup, verse au fond du théâtre. La dégringolade est effroyable, au milieu des vitres cassées, des cris et des jurons. Pour sûr, il y a des poitrines ouvertes, des têtes aplaties ; et le public éclate d’un fou rire. Aimable public ! et comme les Hanlon savent bien ce qu’il faut à notre gaieté ! D’ailleurs, par un prodige d’adresse, ils se retrouvent tous devant la rampe, rangés en une ligne correcte, sur leur derrière. L’adresse, l’escamotage des conséquences de l’accident, redouble ici la gaieté des spectateurs. Dans les accidents réels, on rit d’abord, puis on s’apitoie ; les Hanlon ont parfaitement compris qu’il ne fallait pas laisser à l’apitoiement le temps de se produire. De là le gros effet comique.

J’avoue, au second acte, n’aimer que médiocrement le truc du spleeping-car. Règle générale, toutes les fois qu’on fait du bruit à l’avance autour d’un truc qui doit passionner Paris, il est presque certain que le truc ratera.