Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/368

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joindraient, s’emploieraient à une unique merveille, à un spectacle qui prendrait la foule par tous les sens et lui donnerait le plaisir aigu d’une jouissance décuplée.

Ah ! qu’il serait temps de balayer les parades qui salissent les scènes de nos plus beaux théâtres, de jeter au ruisseau les livrets stupides, dont l’esprit consiste dans des calembours rances et dans des coups de pied au derrière, les partitions vulgaires qui chantent toutes les mêmes turlututus de foire, les trucs vieillis, les décors trop somptueux qui ruissellent d’un or imbécile et bourgeois ! On rendrait nos théâtres aux grands poètes, aux grands musiciens, à toutes les imaginations larges. Dans notre enquête moderne, après nos dissections de la journée, les féeries seraient, le soir, le rêve éveillé de toutes les grandeurs et de toutes les beautés humaines.


II

J’avoue donc ma tendresse pour la féerie. C’est, je le répète, le seul cadre où j’admets, au théâtre, le dédain du vrai. On est là en pleine convention, en pleine fantaisie, et le charme est d’y mentir, d’y échapper à toutes les réalités de ce bas monde.

Et quel joli domaine, cette contrée du rêve peuplée de génies bienfaisants et de fées méchantes ! Les princesses et les bergers, les servantes et les rois y vivent dans une familiarité attendrie, s’aimant, s’épousant les uns les autres. Quand une montagne, un gouffre, un univers fait obstacle aux amours des héros, la montagne est engloutie, le gouffre se comble, l’univ