Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/369

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ers s’envole en fumée, et les héros sont heureux. Il n’y a plus de péripéties sans issue, de dénouements impossibles, car les talismans facilitent les combinaisons des fables les plus extravagantes. Jamais les auteurs ne se trouvent acculés par la vraisemblance et la logique ; ils peuvent aller dans tous les sens, aussi loin qu’ils veulent, certains de ne se heurter contre aucune muraille. Un coup de baguette, et la muraille s’entr’ouvre.

On peut dire que la féerie est la formule par excellence du théâtre conventionnel, tel qu’on l’entend en France depuis que les vaudevillistes et les dramaturges de la première moitié du siècle ont mis à la mode les pièces d’intrigue. En somme, ils posaient en principe l’invraisemblance, quitte à employer toute leur ingéniosité pour faire accepter ensuite, comme une image de la vie, ce qui n’en était qu’une caricature. Ils se gênaient dans le drame et dans la comédie, tandis qu’ils ne se gênaient plus dans la féerie : là était la seule différence.

Je voudrais préciser cette idée. L’allure scénique d’une féerie est puérile, d’une naïveté cherchée, allant carrément au merveilleux ; et c’est par là que la pièce enchante les petits et les grands enfants. Plus l’invraisemblance est grande, plus le ravissement est certain. On s’y arrête comme devant ces théâtres de marionnettes, qui retiennent aux Champs-Elysées les rêveurs qui passent. Il semble que ces personnages fantasques et cette action folle soient des symboles, derrière lesquels on entend l’humanité s’agiter avec des rires et des larmes. Les joujoux, je parle des joujoux à bon marché, les chevaux, les moutons, les poupées, toutes ces bêtes en carton, grossièrement