Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/391

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

instant la vibration d’un sentiment vrai. Il y a deux ou trois cris qui sont beaux ; le reste n’est que de la rhétorique, et de la rhétorique dangereuse et ennuyeuse. Le public a formidablement baillé.

Je remercie cependant la Comédie-Française d’avoir remonté Chatterton. J’estime qu’on rend un grand service à noire génération littéraire, en lui montrant le vide des succès romantiques d’autrefois. Que tous les drames vieillis de 1840 défilent tour à tour, et que les jeunes écrivains sachent de quels mensonges ils sont faits. Voilà les guenilles d’il y a quarante ans, tâchez de ne plus recommencer un pareil carnaval, et n’ayez qu’une passion, la vérité. Celle-là ne vous ménagera aucun mécompte ; on ne rira, on ne baillera jamais devant elle, parce qu’elle est toujours la vérité, celle qui existe.


II

Le théâtre de la Porte-Saint-Martin, auquel appartient la propriété du répertoire de Casimir Delavigne, paraît user de cette propriété avec la plus grande prudence. Il attend l’été, les lourdes chaleurs, qui vident toutes les salles, pour hasarder un drame en vers, bien convaincu que les recettes sont compromises à l’avance et que la prose elle-même devient d’une digestion impossible. Casimir Delavigne est simplement là pour boucher un trou, entre une pièce à spectacle, comme le Tour du monde en 80 jours, et un mélodrame populaire, comme les Deux orphelines.

Et telle est, au bout de trente ans, la gloire d’un poète acclamé, d’un académicien, d’une personnal