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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/401

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père et s’oublie dans les bras de ses fils. Eh bien ! toutes ces abominations sont parfaitement tolérées par le public. C’est à peine si les critiques réactionnaires osent réclamer, pour le principe.

Habileté suprême du génie, disent les enthousiastes. Il fallait MM. Dumas et Gaillardet pour déguiser ainsi l’ordure. Vraiment ! J’imagine, moi, que le bois dont ils ont fabriqué leurs bonshommes, les a singulièrement servis en cette affaire. Comment voulez-vous qu’on se fâche contre des pantins ? Il est trop visible que ce ne sont pas là des êtres vivants, mais de purs mannequins allant et venant au gré des combinaisons scéniques. Le mouvement n’est pas la vie. Puis, toute cette histoire reste dans la légende. Au fond, il s’agit d’un conte pareil à celui du Petit Poucet, et personne ne s’est jamais avisé de trouver l’ogre immoral. Marguerite de Bourgogne, se vautrant dans le meurtre et la débauche, fait simplement son métier de monstre en carton. Elle peut épouvanter une minute l’imagination des spectateurs ; mais, dès qu’elle est rentrée dans la coulisse, elle n’est plus, elle n’a même pas la réalité d’une fiction logiquement déduite.

Voilà ce qui explique pourquoi les horreurs des drames romantiques ne blessent personne : c’est qu’on ne sent pas l’humanité engagée dans l’affaire, tellement les coquins et les coquines y sont hors de toute réalité. Si MM. Dumas et Gaillardet avaient mis debout une Marguerite de Bourgogne en chair et en os, au lieu de cette étrange reine de France qui court si drôlement le guilledou, vous entendriez les protestations indignées de la salle. J’ose même dire que plus ils ont chargé cette figure de crimes, et plus ils