Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/410

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si belle, que tout son siècle a adorée. Comme elle est réduite là-dedans à un rôle de poupée vulgaire ! Elle, la savante, la spirituelle, l’amoureuse, c’est à peine si elle est un rouage dans cette machine dramatique. Tout se rapetisse et s’aplatit. On dirait un théâtre mécanique. Le plus grand défaut de ces vastes pièces populaires, découpées dans des romans, c’est de réduire ainsi les personnages les plus importants à des emplois d’utilités ; il ne reste guère que de la figuration ; toute la chair de l’œuvre s’en va pour ne laisser voir que la carcasse. D’autre part, on ne comprend plus que difficilement, on doit sans cesse suppléer à ce que les héros n’ont pas le temps de nous dire.

Le succès de la Reine Margot a été très vif autrefois, et il est possible que la reprise soit fructueuse. Sans doute, pour goûter une œuvre pareille il faut une naïveté d’impressions que je n’ai plus. Si je pouvais retrouver mes seize ans, mes durs commencements de jeune homme, et reprendre une place en haut, à une des galeries, je serais sans doute moins sévère. Mais trop d’études ont passé sur moi, trop d’analyse et trop d’observation, pour que je puisse me plaire à une œuvre qui m’ennuie par sa puérilité et qui me fâche par ses mensonges. Je suis même d’avis que, si le peuple s’amuse à un pareil spectacle, on devrait l’en sevrer, car il ne peut qu’y fausser son jugement et y désapprendre notre histoire nationale.


V

La reprise du Bâtard, à la Porte-Saint-Martin, vient de remettre pour un instant en lumière la figu