Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/418

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plus long sur l’homme que l’œuvre de M. Dion Boucicault : Pierrot est plus profond que Jean, son héros, et Colombine est plus femme que sa Nora. Ce qui me consterne, dans un drame prétendu populaire, ce sont les peintures de surface, les personnages plantés comme des mannequins, le mensonge continu, étalé, triomphant. Entre un théâtre forain et un grand théâtre des boulevards, il n’y a, à mes yeux, qu’une différence de bonne tenue.

Je causais justement de ces choses, et l’on me répondait que le succès de la Porte-Saint-Martin était dans ces pièces grossièrement enluminées, faites pour les tréteaux. Est-ce bien vrai ? Est-il absolument nécessaire, par exemple, qu’un certain major, dans Jean-la-Poste, ait une attitude de pieu coiffé d’un chapeau galonné ? Est-il nécessaire que Jean parle comme un poète incompris, en phrases fleuries qui sont le comble du ridicule dans la bouche d’un cocher ? Est-il nécessaire que chaque personnage enfin soit tout bon ou tout mauvais, sans la moindre souplesse ? Je ne le crois pas. Notre théâtre populaire est dans l’enfance, voilà la vérité. On raconte au peuple les histoires de fées, les contes à dormir debout, avec lesquels on berce les petits enfants. De là, la simplification des personnages, la vie montrée en rêve, le mensonge consolant érigé en principe. La conception du mélodrame, chez nous, est restée dans l’abstraction pure : il ne s’agit pas de peindre les hommes, il s’agit de mettre en jeu des marionnettes, avec une étiquette dans le dos, de façon à leur faire exécuter des mouvements plus ou moins compliqués. C’est la tragédie tombée de l’analyse psychologique à la simple mécanique des événements. Il