Page:Zola - Le Roman expérimental, 1902.djvu/24

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et les paroles que nous entendons. Alors nous devons contrôler les actes de cet homme les uns par les autres; nous considérons comment il agit dans telle circonstance, et en un mot, nous recourons à la méthode expérimentale.» Tout ce que j'ai avancé plus haut est résumé dans cette dernière phrase, qui est d'un savant.

Je citerai encore cette image de Claude Bernard, qui m'a beaucoup frappé: «L'expérimentateur est le juge d'instruction de la nature.» Nous autres romanciers, nous sommes les juges d'instruction des hommes et de leurs passions.

Mais voyez quelle première clarté jaillit, lorsqu'on se place à ce point de vue de la méthode expérimentale appliquée dans le roman, avec toute la rigueur scientifique que la matière supporte aujourd'hui. Un reproche bête qu'on nous fait, à nous autres écrivains naturalistes, c'est de vouloir être uniquement des photographes. Nous avons beau déclarer que nous acceptons le tempérament, l'expression personnelle, on n'en continue pas moins à nous répondre par des arguments imbéciles sur l'impossibilité d'être strictement vrai, sur le besoin d'arranger les faits pour constituer une œuvre d'art quelconque. Eh bien! avec l'application de la méthode expérimentale au roman, toute querelle cesse. L'idée d'expérience entraîne avec elle l'idée de modification. Nous partons bien des faits vrais, qui sont notre base indestructible; mais, pour montrer le mécanisme des faits, il faut que nous produisions et que nous dirigions les phénomènes; c'est là notre part d'invention, de génie dans l'œuvre. Ainsi, sans avoir à recourir aux questions de la forme, du style, que j'examinerai