Page:Zola - Le Roman expérimental, 1902.djvu/39

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du raisonnement scolastique, c'est la fécondité de l'un et la stérilité de l'autre. C'est précisément le scolastique qui croit avoir la certitude absolue qui n'arrive à rien; cela se conçoit, puisque par un principe absolu, il se place en dehors de la nature dans laquelle tout est relatif. C'est au contraire l'expérimentateur qui doute toujours et qui ne croit posséder la certitude absolue sur rien, qui arrive à maîtriser les phénomènes qui l'entourent et à étendre sa puissance sur la nature.» Tout à l'heure, je reviendrai sur cette question de l'idéal, qui n'est, en somme, que la question de l'indéterminisme. Claude Bernard dit avec raison: «La conquête intellectuelle de l'homme consiste à faire diminuer et à refouler l'indéterminisme, à mesure qu'à l'aide de la méthode expérimentale il gagne du terrain sur le déterminisme.» Notre vraie besogne est là, à nous romanciers expérimentateurs, aller du connu à l'inconnu, pour nous rendre maître de la nature tandis que les romanciers idéalistes restent de parti pris dans l'inconnu, par toutes sortes de préjugés religieux et philosophiques, sous le prétexte stupéfiant que l'inconnu est plus noble et plus beau que le connu. Si notre besogne, parfois cruelle, si nos tableaux terribles avaient besoin d'être excusés, je trouverais encore chez Claude Bernard cet argument décisif. «On n'arrivera jamais à des généralisations vraiment fécondes et lumineuses sur les phénomènes vitaux qu'autant qu'on aura expérimenté soi-même et remué dans l'hôpital, l'amphithéâtre et le laboratoire le terrain fétide ou palpitant de la vie... S'il fallait donner une comparaison qui exprimât mon sentiment sur la science de la vie, je dirais que c'est un salon superbe, tout