Page:Zola - Le Roman expérimental, 1902.djvu/42

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Il faut préciser: nous ne sommes pas fatalistes, nous sommes déterministes, ce qui n'est point la même chose. Claude Bernard explique très bien les deux termes: «Nous avons donné le nom de déterminisme à la cause prochaine ou déterminante des phénomènes. Nous n'agissons jamais sur l'essence des phénomènes de la nature, mais seulement sur leur déterminisme, et par cela seul que nous agissons sur lui, le déterminisme diffère du fatalisme sur lequel on ne saurait agir. Le fatalisme suppose la manifestation nécessaire d'un phénomène indépendant de ses conditions, tandis que le déterminisme est la condition nécessaire d'un phénomène dont la manifestation n'est pas forcée. Une fois que la recherche du déterminisme des phénomènes est posée comme le principe fondamental de la méthode expérimentale, il n'y a plus ni matérialisme, ni spiritualisme, ni matière brute, ni matière vivante; il n'y a que des phénomènes dont il faut déterminer les conditions, c'est-à-dire les circonstances qui jouent par rapport à ces phénomènes le rôle de cause prochaine.» Ceci est décisif. Nous ne faisons qu'appliquer cette méthode dans nos romans, et nous sommes donc des déterministes qui, expérimentalement, cherchent à déterminer les conditions des phénomènes, sans jamais sortir, dans notre investigation, des lois de la nature. Comme le dit très bien Claude Bernard, du moment où nous pouvons agir, et où nous agissons sur le déterminisme des phénomènes, en modifiant les milieux par exemple, nous ne sommes pas des fatalistes.

Voilà donc le rôle moral du romancier expérimentateur bien défini. Souvent j'ai dit que nous n'avions